En tant qu’élève, ta progression dépend quasi-intégralement de la qualité de ton moniteur.


Si c’est un bon pédagogue, bingo. Sinon, c’est souvent le mode débrouille qui prend le dessus.


Un mode débrouille qui prend vite la forme d’un véritable parcours du combattant.


Depuis mes premiers pas sur internet en tant que « Alex du site PermisMotoFacile.com », j’ai dénoncé les problèmes de pédagogie au permis moto en France.

En début d’année, j’ai voulu creuser, aller plus loin.


Donc, j’ai interviewé plusieurs dizaines d’apprentis-motards pendant des semaines pour encore mieux comprendre ce qui n’allait pas.


Mon but : trouver les problèmes récurrents en dépit de la diversité des profils (hommes et femmes de 25 à 64 ans) pour pouvoir y proposer une solution.


Autant te dire que je n’ai pas été déçu.


Avant de rentrer dans le vif du sujet, j’aimerais t’amener à la cause racine qui se cachent derrière ces symptômes.


La partie immergée de l’iceberg.

La pédagogie, l'abonné absent du plateau en France

Fabien de Passion Moto Sécurité a écrit un super article sur la réalité du métier de moniteur. Etant moniteur lui-même, on peut dire qu’il lave littéralement le linge sale en public, je vous conseille fortement de le lire.


Dans notre cas, j’aimerais en faire ressortir 2 points :


1) Beaucoup de moniteurs motos n’ont pas vraiment choisi de le devenir, c’était pas leur vocation. C’était plutôt un choix économique : avoir un job dans une industrie en pénurie de main d’œuvre.


2) On entend souvent des histoires de « moniteurs passionnés ». Passionnés de moto bien évidemment.

Le problème c’est qu’être passionné par faire de la moto n’est pas la même chose qu’être passionné par l’enseignement de la moto à son prochain.


L’un demande simplement de savoir conduire une moto quand l’autre demande de la pédagogie et de l’empathie pour savoir transmettre les savoirs-faire nécessaire à la conduite d’une moto.

Source : Passion Moto Sécurité

Et c’est de là que découlent la plupart des problèmes rencontrés par les apprenti-motards aujourd’hui.


Ah ! J’ai failli oublier une catégorie : les véritables cons.


Avocats, pompiers, employé de bureau… même combat. Tu as des bons et des moins bons dans tout métier.

Source : Groupes Facebook d'entraide pour le permis A2

C’est généralement ceux qui génèrent le plus de bruit du fait de leur comportement.


Mais généraliser leur comportement à l’ensemble de la profession serait une injustice envers les moniteurs « normaux ».


Et surtout ça serait passer à côté des vrais problèmes, ceux qui sont bien plus généralisés.

Problème n°1 : le "bachôtage" intensif

Source : Passion Moto Sécurité

Le premier problème qui ressort souvent c’est le « bachotage des parcours ».


Pour ton examen tu dois réussir un ensemble de parcours (allure lente, freinage d’urgence et évitement), donc on te fait bosser ces parcours sans cesse.


On répète les mêmes parcours encore et encore et encore.

Ce qui peut paraître logique pour certains (préparer l’examen) est en fait la source de nombreuses frustrations.


En effet, les parcours d’examen sont des exercices d’évaluation. Ils ont été conçus pour évaluer ton apprentissage des savoirs-faire nécessaires à leur réussite.


Ce ne sont pas des exercices conçus pour apprendre ces savoirs-faire.


C’est comme si tu venais de t’inscrire à la fac pour devenir chercheur en sciences physiques et que tout ce ton prof te faisait faire… c’était de te faire passer l’examen de fin d’année à chaque cours jusqu’à ce que tu y arrives.


Tu as déjà vu une fac, une école, un institut de formation faire ça ? Moi non.


Conduire une moto demande énormément de coordination physique. C’est à dire qu’il faut mobiliser plein de savoirs-faire, tous en même temps pour réussir ces parcours.


Et ça marche très bien, une fois que tu les as appris.


Par contre, si tu dois les apprendre tous en même temps… c’est exactement comme te demander de jongler avec quatre balles sur un vélo en jouant de l’harmonica !


Ça va pas trop le faire…


Finalement, c’est pas si étonnant que la plupart des élèves au plateau se sentent paumés et ne savent pas comment progresser avec une pédagogie pareille.

Problème n°2 : "C'est en forgeant qu'on devient forgeron"

Problème suivant : la qualité et la quantité des explications reçues en leçons.


Dans beaucoup de cas, on a le droit au frère jumeau du problème précédent :


« C’est en forgeant qu’on devient forgeron ».


Donc on te fait pratiquer, pratiquer, pratiquer mais sans trop d’explications.


Pratique pour lire le journal avec son petit café (ou passer son temps au téléphone, chacun sa « passion » après tout…) mais pas vraiment efficace pour faire progresser ses élèves.


Quand t’as le droit à des explications, le problème devient d’arriver à les comprendre.


Pas que l’apprenti-motard moyen sois plus bête qu’un autre être humain, loin de là.


Le problème vient des explications elles-mêmes.


Laisse-moi te présenter ce qu’on appelle en psychologie « la malédiction de la connaissance ».


La malédiction de la connaissance c’est un biais cognitif où l’enseignant assume inconsciemment que son élève à le même niveau de compréhension que lui quand il lui transmet des instructions.


En gros, l’enseignant a oublié qu’il parle avec un parfait débutant et qu’il doit s’adapter à son niveau de connaissances. Pas l’inverse.


Voilà pourquoi t’as souvent dû avoir l’impression d’avoir compris sur le moment alors qu’en fait… c’était juste que les explications étaient trop cryptiques pour toi.

Problème n°3 : le manque d'accompagnement des élèves

Dernier problème : contrairement au permis bagnole, au plateau, ce ne sont pas des leçons individuelles mais des leçons de groupe.


Quand la législation est respectée, c’est 3 motos max par moniteur. Mais avec ces interviews, j’ai découvert que certaines écoles savaient être créatives pour contourner cette limitation.


Dans tous les cas, même quand c’est bien 3 élèves, le moniteur ne peut pas se dédoubler. Donc il est obligé de diviser son attention en 3.


(Quand il est attentif…)


Donc, généralement ça fait que t’as le droit à quelques conseils sur le tas pour te faire avancer, puis on te laisse essayer ça dans ton coin.


On revient te voir bien plus tard, le temps d’aller s’occuper de tes 2 autres camarades.

"Bon ben, je vais me débrouiller alors"

Donc pour résumer la pédagogie au permis moto en France :


On te met à tourner en rond sur des parcours d’examen alors que t’as pas encore le niveau d’examen.


Quand t’as de la chance, tu as au mieux des explications cryptiques du style fais-ci fais-ça mais sans qu’on t’explique comment ou pourquoi. Au pire, on te laisse galérer dans ton coin.


Jeté dans le grand bain, sans repère, notre apprenti-motard ne peut faire qu’une chose pour avancer : se débrouiller.


(Et après, on s’étonne d’avoir des taux de réussite aussi bas…)


De nos jours, qu’est-ce qu’on fait quand on doit apprendre quelque-chose qu’on ne connait pas ?


Que ce soit la guitare, la meilleure recette de tiramisu ou comment conduire une moto…


On se tourne vers ce bon vieux Google et son petit frère YouTube.


Et là, bon courage pour trouver la bonne info !


Avec la montée en puissance d’internet, il semblerait que tout le monde et son voisin soient devenus experts sur n’importe quel sujet.


Hop, un blog, une caméra et c’est parti.


« OK Google, dis-moi comment réussir le permis moto »

Ca fait un peu beaucoup là, essayons d’être plus précis…


« OK Google, dis-moi comment réussir le parcours lent »

Bon, c’est moitié moins mais c’est toujours « un peu » trop…


Même si tu te contentes des résultats de la 1re page (qui au passage n’est absolument pas synonyme de qualité mais de popularité), t’es parti pour des heures à essayer de trouver l’info qu’il te faut pour débloquer ta situation.


D’ailleurs, si t’as déjà fait l’essai, tu as dû vite te rendre compte que la qualité est très variable, aussi bien sur le fond que sur la forme.


Même certains "experts" font parfois des erreurs dans les informations qu'ils communiquent, comme sur la notation du permis moto 2020.


Si tu cherches sur YouTube, tu peux trouver qu'il a été dit que, dans le cadre de l'évaluation du freinage d'urgence, en cas de qualité du freinage non-satisfante, la note appliquée serait un C.


Or, si tu regardes dans le texte de loi par contre, c'est écrit noir sur blanc :


"Qualité du freinage d'urgence :


La notation B n'est appliquée que dans l'un et/ou l'autre des deux cas suivants :


- Lorsque la roue arrière perd le contact au sol de façon observable, sans aucune ambiguîté possible ;


- Lorsque le candidat n'adopte pas une position lui permettant de maintenir fermement son guidon".


(Source : LegiFrance.gouv.fr, paragraphe I-6 "Enchainement des manoeuvres 2 à 6")


Tu as aussi un autre cas plus classique.


Tu lis une information sur "comment faire x" qui parait pleine de bon sens. Tu poursuis ta recherche encore un peu pour avoir plus de détails et tu tombes sur une autre source d'information qui décrit "comment faire x" mais de façon assez différente.


Et c'est comme ça que tu peux vite te retrouver avec pas mal d’informations contradictoires sur chaque sujet.




Allez disons, que tu as trouvé 2-3 pistes sur comment avancer dans ton point de blocage, il te reste encore à les tester en leçons pour voir si ça marche vraiment ou pas.

Et il est là le problème avec l’information gratuite disponible sur internet.


Même si c’est gratuit, il y a toujours un coût quelque part.


Le coût en temps lié au temps de recherche et d’analyse des solutions proposées.


Le coût en argent lié au temps passé en leçon à tester ce qu’on a vu sur internet en mode "essai-erreur".


A 45,00 € l’heure de leçon, j’en ai fait l’expérience, la facture grimpe vite pour de l’information censée être gratuite.


Ah et puis, à la fin de la leçon, c’est rebelotte : il faut trouver une nouvelle solution pour le nouveau point de blocage qu’on s’est découvert pendant la leçon du jour.


Bienvenu dans ce que j’appelle le syndrome du motard débrouillard.


C’est ce qui fait qu’en France, il te faut en moyenne 35 heures de leçons alors que, dans d’autres pays, il t’en faut 15 pour apprendre la même chose.


C’est ce qui fait qu’en France t’as l’impression de devoir hypothéquer un rein pour réaliser ton rêve. Alors que dans d’autres pays, 15 heures et 500 dollars plus tard et c’est réglé.


C’est ce qui fait qu’en France, t’as la sensation de faire du surplace, que tu sens vite nul, que t’as l’impression d’être paumé et que tu vas jamais y arriver.


Alors que dans d’autres pays, tout ce que tu as à faire c’est « cocher les cases » dans ton plan d’apprentissage.


Envie de sortir de cette spirale infernale ?


Ça tombe bien, maintenant qu’on a bien cerné le problème, on va pouvoir passer les prochaines pages à discuter de la solution.


On va pouvoir parler du fameux point commun dont je te parlais en introduction qui fait partie des 3 armes que tu peux utiliser dès ta prochaine leçon pour reprendre ton apprentissage en main et réduire la facture de ton permis moto.